Publié le 19/03/2008 (La Dépêche)
Leurs investigations menées sans relâche tout ce temps, viennent tout juste de déboucher sur une série d'interpellations opérée lundi matin et des gardes à vue. Un dispositif déclenché simultanément à l'aube et qui visait une dizaine de «cibles» disséminées dans différents départements, dont certains proches, puisque des arrestations ont eu lieu en Gironde, en Haute-Garonne. Un individu a été interpellé dans l'Essonne.
BANDE ORGANISEE ?
Des «objectifs»ont également été arrêtés en Lot-et-Garonne, notamment un jeune appréhendé en plein cœur du Passage bourg dans un immeuble vétuste de la rue Gambetta, mais aussi dans le Néracais et le Marmandais. Les arrestations en question seraient à mettre en relation avec l'agression violente de Paulette Laborde, sans plus de précisions. En effet, les auditions étaient toujours en cours hier soir. Des repris de justice pour l'essentiel qui se seraient déjà illustrés dans des affaires de cambriolages, casses et des agressions de personnes âgées, et qui auraient accessoirement trempé dans des histoires de stupéfiants. Les enquêteurs s'emploient à vérifier quels types de faits leurs sont imputables, soupçonnant des raids juteux mis sur pied par des équipes changeantes et itinérantes. La qualification de «vols aggravés en bande organisée» est susceptible d'être retenue dans ce dossier complexe. Rappelons que dans le cas du braquage sauvage de Paulette Laborde, les malfrats étaient quatre, encagoulés. Ils l'attendaient cachés en retrait, lorsqu'elle est sortie ce matin-là soigner ses poules. Au départ, elle croit à un gag. Ils la pressent de rentrer, pistolets et couteau aux poings. La mère sera réveillée par les cris. Paulette Laborde reçoit un coup de poing au visage. Elle chute et se blesse. Les deux femmes seront tenues en respect, entravées et baillonnées. La victime tarde à donner son argent, 2500 euros en liquide. L'un s'agace. Elle réclame ses lunettes, il croit qu'elle veut gagner du temps. Un des braqueurs fait glisser la lame du couteau sur la phalange de la vieille dame. Puis le quatuor se replie, pense à prendre le véhicule de la victime et se ravise. Une voiture volée sera retrouvée dans le canal par la suite. Les premières présentations devraient avoir lieu ce matin au parquet.
Paulette et Louise Laborde ont été agressées, chez elles, en 2008, à Francescas dans le Lot-et-Garonne, et ont endossé le statut de victimes. Qu’en reste-t-il ?
Une trace de lutte sur une table, l'empreinte de l'agression qui aura marqué l'existence de Paulette Laborde, actuelle maire de Francescas, et de sa maman, Louise. Mais huit ans après les faits, les deux femmes, à la force de caractère inébranlable, l'assurent, le quotidien a repris le dessus sur le traumatisme subi lors de l'agression dont elles ont été victimes, le 2 janvier 2008. « On va bien. Nous avons repris une vie normale. La seule différence, c'est qu'à présent, nous fermons les portes », sourient-elles.
Ce matin-là, quatre hommes cagoulés avaient pénétré dans la bâtisse entourée d'animaux où vivent la mère et la fille. Croyant à une plaisanterie, Paulette Laborde avait arraché la cagoule de celui qui se tenait devant elle, loin d'imaginer qu'il la rouerait de coups avant de la voler, menaçant également sa maman, ligotée, et alors âgée de 75 ans, de lui trancher un doigt, pour obtenir davantage d'argent…
« On a porté le statut de victimes, c'est sûr, il faut vivre avec. Mais il faut aussi avancer et apprendre à relativiser, balaye Paulette Laborde. J'ai toujours été philosophe mais, après cet événement, je le suis devenue encore davantage. On aborde la vie autrement », confie cette femme à l'énergie fonceuse, qui, sitôt après son agression, a poursuivi la campagne électorale des Cantonales aux côtés de Christian Lussagnet. « Il venait me chercher tous les soirs, et, finalement, les gens évoquaient le sujet spontanément. Par conséquent, j'en ai beaucoup parlé. Au début, cela n'a pas été facile de sortir tous les jours de la maison. C'était l'hiver, il faisait encore nuit, alors deux artisans de Francescas m'accompagnaient jusqu'à ma porte. »
Une aide psychologique ? Paulette Laborde y a pensé. « Nous avons rencontré une psychologue à l'hôpital. Mais j'aurais souhaité un suivi personnalisé, où la spécialiste se serait déplacée chez moi, là où a eu lieu l'agression. Malheureusement, ce n'était pas possible, alors j'ai laissé tomber. » Et d'énumérer les nombreuses sollicitations d'associations et de journalistes auxquelles la première édile n'a pas toujours donné suite. « Nous n'avions pas forcément envie de partager notre ressenti au sein de structures de victimes. Après tout, on ne vit jamais la même chose. Nous en avons beaucoup parlé avec ma mère et avons trouvé les ressources en nous pour passer à autre
chose. »
Voisinage bienveillant
Malgré le conseil appuyé de certains de déménager, l'idée ne leur a jamais effleuré l'esprit. « Ce qui nous a le plus aidées, c'est que nous ne nous sommes jamais retrouvées seules. Le voisinage a été très présent », souligne Louise Laborde, qui avoue, encore aujourd'hui, sursauter au moindre bruit nocturne.
Paulette Laborde a assisté à l'ensemble du procès, qui s'est tenu devant la cour d'assises de Lot-et-Garonne deux ans après les faits, contrairement à sa mère (1). « J'y suis allée décontractée, même si inévitablement, on revit toutes les scènes. J'ai reçu le soutien d'Annie Gourgue (2), qui me connaissait par ailleurs, et de nombreux amis qui étaient dans la salle d'audience. Mais honnêtement, à ce moment-là, j'étais dans ma bulle. »
À compter aussi parmi les victimes collatérales, toutes proportions gardées, les habitants de Francescas. En effet, comment imaginer un tel scénario d'horreur à un battement d'aile de son domicile, dans la paisible bastide du Néracais ? La leçon de dignité des femmes Laborde, mère et fille, est alors prescrite afin d'éloigner définitivement toute tentation de vivre dans la peur.
(1) Les quatre accusés ont écopé de douze mois à quatre ans de réclusion criminelle. (2) Alors présidente de l'Aide aux victimes (Avic 47).