«Les parlementaires que nous avons aujourd’hui et qui, hier, étaient dans l’opposition nous disaient à l’époque avoir les réponses à nos revendications et les solutions à nos problèmes. Ils ont donc des comptes à nous rendre, non ? » Guy Soulage les a donc tous invités. Députés et sénateurs. Seul Henri Tandonnet a décliné la convocation. Les autres ont gagné un séjour en «all inclusive» sur la tribune, avec vue imprenable sur les quelque 500 personnes attendues au 18e Congrès de l’association départementale des retraités agricoles (1).
650 € de retraite en moyenne18 ans. L’âge enfin de la majorité pour ce groupuscule d’anciens actifs qui considère, à raison, que l’épaisseur de la pension est la matière première d’une vie nouvelle. Manière de ne pas avoir à regretter l’ancien régime. « Nous militons pour un relèvement des retraites agricoles au-dessus du seuil de pauvreté, soit 964 euros par mois ou, si l’on préfère, 85 % du Smic. Car dans ce département, la moyenne est de 650 euros pour une carrière complète de chef d’exploitation », dépose Guy Soulage.
Jadis tabaculteur du côté de Galapian, il retrace volontiers les contours de sa carrière d’exploitant, jalonnée de « sacrifices », dictés par « la lourdeur des charges sociales et l’insuffisance du prix d’achat de nos produits ». Et le président de l’Adra, qui fédère 5 000 des 19 000 retraités agricoles de ce département, de suggérer aux parlementaires quelques points de ponctions. « Entre les producteurs d’intrants, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution, il existe un vrai potentiel de ressources… Il me semble que les retraités agricoles méritent la solidarité nationale. Car à mon niveau, je n’en connais pas beaucoup qui, ici, gagnent 964 euros par mois. »
Principe de normalité
Élu du collège retraités à la Chambre d’agriculture, Guy Soulage avait rencontré le candidat Hollande avant son accession sur le trône. Le socialiste s’était engagé à verser 75 % du Smic pour cinq ans aux chefs exploitants, en excluant du dispositif les aides familiaux et les conjoints. Le président avait aussi proposé l’extension de la retraite complémentaire obligatoire dès janvier 2013 aux conjoints.
Une proposition acceptable, à la rigueur, à condition de l’accompagner par un relèvement de la référence fiscale. « Avec 70 euros de plus, un foyer peut passer dans une tranche d’imposition supérieure... De toutes façons cette mesure a été reportée », commente le tabaculteur qui attend maintenant des parlementaires lot-et-garonnais des engagements précis. « On nous dit que nos revendications sont légitimes mais on nous répond qu’il n’y a pas de moyens et que les agriculteurs possèdent des biens et des revenus. On ne peut plus accepter cette situation. Il faut nous rendre justice. »
Matthias Fekl, député PS du Marmandais, a justement posé la question cette semaine au ministre de l’Agriculture, à l’Assemblée, stipulant notamment qu’il « souhaiterait savoir quelles sont les intentions du gouvernement afin d’améliorer des situations inacceptables, de permettre une revalorisation des petites retraites agricoles, de prendre en compte la situation spécifiques des conjointes. »
(1) Congrès de l’ADRA 47 à 14 h 30, le 23.03.2013, à la salle des fêtes de Francescas
Le congrès de l'ADRA (Association départementale des retraités agricoles) à Francescas a fait recette. Plus de quatre cents adhérents ont répondu à l'appel de Jeanine Delfour, présidente nationale, et de Guy Soulage, président départemental. Entourés entre autres des parlementaires Lucette Lousteau, Jean-Claude Gouget, Mathias Felk, du sénateur et président du conseil général Pierre Camani, du conseiller général Raymond Girardi, la séance a été animée et parfois houleuse. Les banderoles donnaient le ton dès l'entrée dans la salle : «retraite agricole = 650 euros, seuil de pauvreté 964 €, seuil de richesse 6 500€, par mois cherchez l'erreur»,
«N'attendez pas que nous soyons morts»
Remontés et déterminés les retraités agricoles ont dressé, sans aucune complaisance, un état de leurs attentes et exprimés leur ras-le-bol : la justice c'est maintenant.
Car avec un président normal, rien de plus normal que de trouver une solution normale. Mais «n'attendez pas que nous soyons morts» scande la présidente nationale Jeanine Delfour sous un tonnerre d'applaudissements.
Interpellés, les parlementaires ont reconnu le bien-fondé de leurs revendications. Si Pierre Camani a retracé les six propositions à venir du gouvernement, Matthias Fekl savait qu'en venant à la tribune il se «ferait botter les fesses» alors que Lucette Lousteau, en poste depuis 9 mois, «le temps d'une gestation, «demandait de laisser un peu de temps».
Si une commission d'élus à laquelle participe Lucette Lousteau, présidée par Germinal Peiro, secrétaire national du Parti socialiste, travaille actuellement sur les retraites, l'ADRA estime ne pas vouloir attendre à nouveau dix ans une réforme.
S'adressant aux parlementaires, Guy Soulage leur demande «ayez de l'audace et reconnaissez nos droits à l'équité et à la justice . Notre association n'est pas votre ennemie, mais nous voulons des résultats».
Une attente forte pour les 4 100 adhérents qui savent que la tâche est ardue, mais il est impératif de ne pas perdre de temps.
Le message est passé.
Les parlementaires reconnaissent le bien-fondé des revendications mais devront être porteurs de réponses concrètes et non plus de promesses à l'occasion du prochain congrès