A Francescas, une histoire de famille au « bout du monde »
29.07.2022
"Les réseaux sociaux ont filé un coup de vieux au café du commerce. Pas loin du coup de grâce en zone rurale. Au village France, les bistrots ont mauvaise réputation. Les ligues de morale sont passées par là. À la campagne, ils incarnent pourtant les ultimes lieux de convivialité et d’échanges. « Sud Ouest » est allé à la rencontre des derniers des Mohicans du comptoir. Aujourd’hui, rendez-vous au « Bout du Monde », ou plutôt à Francescas",
"Elle était en Indonésie quand on lui a proposé de reprendre le bar-restaurant du village. Jeannie Carrère, 35 ans, ne se doutait alors pas que le lieu était lié à son histoire familiale. « J’avais déjà travaillé dans un restaurant à Agen avec ma sœur. En 2016, j’étais en voyage. Mes parents tiennent un camion à pizzas dans le coin, et la maire leur a demandé s’ils ne connaissaient pas quelqu’un qui voudrait reprendre la boutique, qui était en liquidation judiciaire. Ils m’ont appelé et j’ai dit oui. Quand je suis rentrée à Agen dire que j’allais m’installer à Francescas, pour les gens c’était déjà le bout du monde, d’où le nom du restaurant ».
« Au bout du monde » est un restaurant d’habitués où tous les ouvriers et gens du secteur viennent prendre leur pause repas.
Histoire et cuisine familiales
En commençant à travailler ici, Jeannie se rend très vite compte que son arrière-arrière grand-mère tenait ce même café-restaurant dans les années 50, avant qu’il soit racheté à de multiples reprises. « Ce sont mes oncles qui m’en ont parlé. Le cousin de mon père est né au dernier étage ! »
Ce côté familial, Jeannie essaie aujourd’hui de le retranscrire aussi dans la cuisine de son restaurant : « Ici, on fait de la cuisine traditionnelle comme à la maison, avec des plats d’autrefois, comme de la tête de veau, des rognons ou de la langue de bœuf. Ça se fait de moins en moins. Nous, on a la volonté de perpétuer cette cuisine et de redonner vie à des morceaux de viande moins utilisés qu’avant », décrit-elle. Pour se fournir, Jeannie passe également par des entreprises familiales : « Je travaille avec des producteurs locaux, notamment pour les légumes et les viandes. » Ici, pas de carte fixe, le menu change tous les jours et s’adapte en fonction des saisons et de l’arrivage.
Elle décrit l’ambiance de la même façon. « C’est familial, c’est un restaurant d’habitués. Il y a tous les gens qui travaillent dans le coin qui viennent manger ici. C’est un lieu où tu peux laisser tes clés pour que quelqu’un les récupère, un lieu où tu viens demander de l’aide quand tu tombes en panne. »
« Ce que j’aime ici, c’est l’ambiance, la chaleur humaine »
Faire vivre le village
Derrière son comptoir, Jeannie explique avec le sourire : « Dans un village, c’est important qu’il y ait un lieu comme ça. Après, ce n’est pas l’esprit bar comme on l’avait avant, il n’y a pas que des alcooliques. À partir de certains degrés d’alcoolémie, je refuse de servir, ça en a vexé certains mais je pense que c’est mieux. » D’ailleurs, le restaurant n’ouvre que le midi, en semaine. « Des fois, les gens sont tristes de trouver les portes closes le soir », rajoute-t-elle. Mais cette organisation lui permet de s’occuper de ses enfants.
Du côté des clients, Lucie, une locale qui travaille dans le secteur, vient y manger tous les midis depuis 2019. « J’adore venir là, on mange bien. Et puis souvent, je mange seule, mais comme c’est toujours les mêmes personnes qui viennent ici, c’est sympa on se côtoie. » Joël, un autre habitué, précise : « Ce que j’aime ici, c’est l’ambiance, la chaleur humaine. Avant, c’était mort, il n’y avait plus personne. Maintenant, c’est animé, ça fait vivre le village.
Julie (à gauche) apprécie autant la cuisine que l’ambiance du lieu.