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Les familles du Château et de la Seigneurie de La Serre
Castrum mentionné en 1076. (Notice sur la vicomté de Bezaume, le comté de Benauges ). L'édifice médiéval, dit La Salle, se trouvait au sud, dominant la vallée de la Baïse. Selon plusieurs sources, une villa romaine "La Serra" était à la base de differentes constructions.
Messire Arnaud Loup de La Serre, chevalier , et Géraud de La Serre, son frère, abandonnent au seigneur évêque d'Agen, le quart de la dîme de La Serre près de Moncrabeau (Item plus continetur qualiter dominus Arnaldus lupi de La Serra, miles, et Geraldus de La Serra, frater ejus, resignaverunt domino nostro Agennensi espiscopo, totam quartam pertem qum habebant in decima de la Serra propre Montem Caprelli) (Cartulaire d'Agen, Bulle cotée par lettre D.V.)
Toutes les donnantions faites au XIIe et XIIIe siècles, en faveur de l'Evêque d'Agen, représentant le clergé du diocèse, ont été autorisées par la bulle données l'an 1309, dans la ville d'Avignon par le pape Clément V, et cotées par les lettres A,B,C, etc. Le Cartulaire d'Agen contient l'analyse officielle de ces bulle et par conséquent de ces donations. Cette analyse a été faite l'an 1520 par Jean de Vallier, vicaire général du diocèse d'Agen, et remplissant les fonctions épiscopales sous divers rapport, en l'absence de Marc-Antoine de La Rovère, évêque d'Agen.
Gauillaume-Arnaud (le nom patronymique a été omis), domme à l'évêque toute sa part de dîme de Saint-Laurent de La Serre près Moncrabeau.(Idem, lettre A.H.)
A l'entrée du XVe siècle, le château de La Serre fut donné par le connétable d'Albret à Montaigu, un de ses gendres. Celui-ci était fils du conseiller de la reine Isabeau et du duc d'Orléans, du négociateur du traité de paix avec le duc de Bourgogne. Ce pacte qui mariait les enfants des victimes et des meurtriers fut impraticable. Les ennemis gardèrent leur haine, mais ils tombèrent d'accord pour immoler le médiateur. Montaigu avait d'ailleurs commis un crime irrémissible. Fils d'un notaire de Paris, déshérité physiquement, il était, par son habileté, devenu l'oracle de la couronne et des princes. Les ducs d'Orléans et de Berry l'avaient admis dans leur intimité et lui avaient confié les rênes de l'Etat. Il avait fait construire un palais somptueux qui éclipsait les résidences des grands seigneurs. Un de ses fils, avait épousé une fille du connétable d'Albret. On murmurait de voir le ministre servi sur de la vaisselle d'or pendant que celle du roi était en gage. Sa perte fut résolue. Après avoir subi la peine de la torture, il fut conduit aux halles les membres broyés. Il expira les entrailles pendantes.Le lendemain de cette catastrophe, Montaigu son ainé quitta Paris, et se retira au fond de la Gascogne au château de La Serre qui lui avait été apporté en dot par sa femme. De cette manière il vécut ignoré et éloigné des bourreaux de son père qui auraient pu devenir les siens.
La descendance des Monlaigu, seigneurs de La Serre, était tombée en quenouille : leur fille unique, Catherine Bernarde, fit passer ce fief dans la maison d'Esparbez de Lussan; elle épousa canoniquement, le 16 avril 1570, Jea -Paul, septième fils de Bertrand d'Esparbez de Lussan et de dame Louise de Saint-Félix. Il est le fondateur de la branche de la famille dont les membres sont signalés comme seigneurs du château qui Lasserre. Jean Paul d'Esparbez fut un grand et terrible capitaine, dévoué longtemps à la ligue. Il suivit, en qualité de lieutenant, Montluc dans les combats et les assauts livrés aux religionnaires-, aussi les faveurs royales, les distinctions militaires, tombèrent-elles en pluie sur ce vaillant guerrier qui devint maréchal de camp des armées de Sa Majesté. Il fut promu à la dignité de sénéchal de l'Agenais et du Condomois, ainsi qu'à celle de gouverneur de la ville et citadelle de Blaye. Henri IV, dès son avènement au trône, rallia un grand nombre de ses adversaires. En 1595, le sire de La Serre se soumit au panache blanc; durant son commandement à Blaye, il y fonda un couvent dans les caveaux duquel il fut inhumé à sa mort advenue en 1616.
Il transmit, de son vivant, ses titres et sa succession à son fils François, vicomte d'Aubeterre, qui s'était allié à Hippolyte Bouchard, héritière de David, gouverneur de Périgord. François était seigneur de Lussan, baron de La Serre et de Cadenac et en même temps capitaine de 50 hommes d'armes, maréchal de France, sénéchal d'Agenais et de Condomois, etc. Il fut élevé au poste de conseiller d'Etat. Dans les luttes religieuses, Henri IV l'avait eu pour compagnon d'armes. C'est pour le compte du Béarnais qu'il avait occupé Montcrabeau, forteresse alors importante, et qu'il avait, de concert avec Roquelaure, dirigé le siège de Nérac.
Le vicomte d'Aubeterre mourut en 1628. Sa sœur favorisa de sa main l'héroïque Johan de Bezolles, seigneur de la Brosse et de La Graulas.
Le manoir de La Serre, qui appartient au style architectural de la Renaissance, et qui offre une certaine parenté monumentale avec le Palais du Luxembourg, fut construit en 1592 par ordre du maréchal d'Aubeterre.
Le château :
Castrum mentionné en 1259. L'édifice médiaval, dit La Salle, se trouvait au sud, dominant la vallée de la Baïse. Le château est reconstruit entre 1595 et 1602 pour Jean Paul d'Esparbès de Lussan. Selon les contrats publiés par G. Tholin, Marin de Lavallée, architecte à Paris, a réalisé les plans et surveillé la construction de 1595 à 1597, avec Balthazar Delly, maître maçon de Marsal (Lorraine): le contrat de 1596 précise que le pavillon d'escalier, l'appartement, les deux salles superposées, les chai et pressoir sont couverts, le décor et l'aménagement d'appartements dans la tour médiavale sont commandés, une galérie prévue au-dessus des chais n'a pas été réalisée. Le chantier est repris en 1598 par Paul Vaudoyer, maître maçon et tailleur de pierre à Paris.
La chapelle est datée de 1625. Le château est vendu en 1752 et acquis par la comtesse de Narbonne-Pelet. Au tournant des 18e et 19e siècle, le comte de Digeon en fait une ferme modèle. Il est restauré en 1851 par Jules-François Lafargue, architecte à Bordeaux, pour Léopold de Gervain: la tour médiavale est démolie, les chais recoivent une nouvelle façade plus régulière.
Henri s'était assis sur le trône de France, et la guerre civile avait déposé son espadon à deux mains. Le vieux guerrier, relégué dans ses terres, appliqua sa dévorante activité et les loisirs de la paix à la réédification du château des Montaigu. Les religionnaires de Montgomery, dans leur course destructive (1569-1570), ne durent pas plus épargner La Serre que les castels voisins de Montcrabcau, de Mauvezin (paroisse d'Artigues), et de Lescout (paroisse de Lahitte). Mathisson de Lescout et l'intrépide Michel 1er de Castillon, maîtres des deux dernières places, s'opposèrent à l'irruption du généralissime calviniste. Castillon, surnommé le maréchal de batailles, secourut Mézin et reçut dans son château de Carboste les habitants des campagnes environnantes, avec leurs meubles et leurs bestiaux. Les réformés se vengèrent de cette noble conduite en saccageant le château de Mauvezin, que le bras de son possesseur,occupé sur un autre point, ne pouvait défendre.
Une inscription gravée sur une plaque de marbre, jadis encastrée dans la muraille, attestait la date de la construction. On y lisait : Lavallée maître masson m'a faite 1592.
Les seigneurs de Lasserre devaient prendre pied à Francescas pour le plus grand malheur de ses habitants et bien eux.
Un trait commun à presque toutes les juridictions seigneuriales de nos pays, durant les XVIIe et XVIIIe siècles, c'est
l'abaissement des municipalités. Les seigneurs s'attribuent le droit de. nommerles consulssur une liste de présentation.
Il est aussi fort rare que, contrairement au principe admis dans un pays de taille réelle, le seigneur ne se
prétende pas induement exempt des tailles pour ses propriétés.
Comme les paroisses devaient contribuer pour un chiffre déterminé, la quote-part non payée par le seigneur se répartissait sur les petits propriétaires
et les pauvres payaient pour le plus riche. Si les communautés voulaient engager à ce sujet des procès contre le seigneur, c'était pour
elles la ruine presque certaine car les procès de ce genre étaient interminables.
Il y avait aussi des compensations, il est juste de le dire.
Les populations ne redoutaient rien tant que les logements militaires. Souvent le crédit du seigneur, intéressé lui-même à protéger
ses terres, s'exerçait utilement pour détourner le fléau. Alors on le comblait de remerciements et parfois de
cadeaux.
J'ai résumé dans ces traits l'histoire, à l'époque moderne, de la plupart de nos juridictions seigneuriales et aussi celle de la juridiction de Francescas. Mais, en ce qui concerne cette dernière, ce n'est pas assez de ces généralités. Certains épisodes méritent d'être mis en relief. Comme ils sont relatés tout au long dans les livres de jurades de Francescas, avec force détails et dans une langue intelligible pour tous, les passages de ces livres qui s'y rapportent
seront reproduits in-extenso comme pièces justificatives. Cela permet d'abréger d'autant les quelques pages qui suivent.
La ville de Francescas avait eu beaucoup à souffrir des guerres de religion du XVIe siècle. Tantôt restaurant, tantôt démolissant leurs
remparts, ses habitants balançaient les inconvénients et les avantages qu'offraient les conditions si différentes des villes closes et des villes ouvertes. Ils prirent
tour à tour les décisions les plus contraires.
Ils tenaient leurs portes fermées, le 28 février 1577, lorsque le seigneur de Lasserre vint les sommer de lui faire savoir pour quel parti ils tenaient. Leur
réponse fut qu'ils tenaient la ville pour le roi sous l'obéissance du roi de Navarre. Par l'intermédiaire de son héraut, Jean-Paul d'Esparbès de Lussan, grand chef
ligueur, leur déclara la guerre, ajoutant qu'il était désormais l'ennemi mortel des habitants de Francescas.
Ceux-ci ne s'émurent pas outre mesure. Ils avisèrent le roi de Navarre et se tinrent sur leurs gardes. Tout s'était passé loyalement de part et d'autre suivant les lois de la guerre. Cette crise violente ne devait pas avoir de suite.
Bientôt après, un autre événement, en apparence tout pacifique, devait ramener sur la scène le même personnage Lussan et entraîner pour les habitants de Francescas une sujétion dont ils eurent à souffrir cruellement durant deux siècles.
Nous avons dit qu'en l'année 1582, le seigneur de Lasserre avait acheté à l'évéque de Condom tous ses droits sur Francescas, c'est-à-dire la moitié de cette seigneurie. Cette acquisition lui avait coûte 4.325 livres et l'évêque de Condom paraît s'être réservé le droit de rachat. Les habitants de Francescas prévirent bien les conséquences que devaient avoir pour eux l'immixtion dans leurs affaires d'un puissant voisin. C'était plutôt un maître qu'une moitié de maître. Ils
tentèrent de négocier le rachat du temporel avec Lussan, cédèrent leurs droits au roi de Navarre pour avoir un protecteur, engagèrent des procès, terminés
par une transaction, le 3 juin 1594, mais sans réussir à se dégager. D'ailleurs les circonstances étaient peu favorables. Lussan s'étant rallié au roi de Navarre, celui-ci, devenu Henri IV, et bataillant encore pour sa couronne, était trop politique pour ne pas le ménager.
Il n'avait plus les mêmes raisons de prendre fait et cause pour ses sujets de Francescas.
Un trait démontre bien le sans-façon avec lequel les gentilshommes de ce temps-là se mettaient au-dessus de toute charge et de toute obligation.
Lussan, qui, sans doute projetait dès l'année 1594 de construire le château de Lasserre et déjà arrondissait son domaine, avait acheté quelques
terres à des habitants de Francescas. Il émit la prétention de ne pas payer les tailles pour ces propriétés, ce qui revenait à dire les terres acquises par
un noble deviennent nobles et ses voisins payeront les tailles pour lui. La jurade de Francescas eut le courage de résister énergiquement. Et toutefois Jean-Paul d'Esparbès ne paraît pas avoir été un trop mauvais
seigneur, non plus que son fils François, qui hérita de la seigneurie (1616-1628).
François laissa plusieurs fils, parmi,lesquels Pierre, l'aîné, marquis d'Aubeterre, qui estqualifié par le P. Anselmede seigneur de Lasserre, et Louis, qui
est qualifié par le même auteur de comte de Lasserre. Pierre et Louis n'ont pas possédé en même temps la même seigneurie.
Pierre, sans doute mécontent du partage de famille, paraît s'être emparé de Lasserre. Toujours est-il qu'il l'occupa à deux reprises, au grand désespoir
des habitants de Francescas.
A la fin de l'année 1633, il logeait en son château de Lasserre une troupe de gens de sac et de corde, qui, de là, faisaient des incursions dans la
campagne comme si l'on eût été en temps de guerre.
Il terrorisait Francescas, ayant pris les clefs des portes et voulant y installer des consuls de son choix. Aux humbles remontrances des habitants il
répondait par des voies de fait et des menaces terribles, si bien qu'un certain nombre d'entre eux avaient dû s'exiler.
On eut recours au duc d'Epernon. Le seul grand personnage de France dont le front ne se courba pas devant Richelieu, n'était pas homme à épargner
un gentilhomme quand il lui résistait. Ayant reconnu le bien fondé des dotéances des bourgeois de Francescas, il rendit successivement quatre
ordonnances dont voici la teneur:
Le gouverneur de Guienne veut que les élections se fassent suivant l'usage et que le vice-sénéchal d'Agenais informe sur les excès commis par d'Esparbès. Ce dernier, ayant passé outre et nommé des consuts, d'Epernon casse ces élections.
Les habitants de Francescas seront rétablis en leurs maisons et les clefs de la ville leur seront remises. Ils auront le droit de porter des armes à feu pour
leur défense. Si d'Esparbès résiste, le vice-sénéchai fera une levée d'hommes pour s'emparer de force du château de Lasserre.
Il fallut en venir à cette extrémité. Les habitants de Francescas ayant réuni quarante cinq hommes de cheval et de pied, le vice-sénéchat les rejoignit
avec une troupe de trentesept cavaliers et de quarante fantassins (mars, avril 1634).
1 Trois de ces ordonnances ont été transcrites au livre des jurades. On en trouvera le texte aux appendices.
Alors Pierre d'Esparbès, qui était aussi atteint par des arrêts de condamnation rendus par le Parlement de Bordeaux, prit la fuite et vécut hors de France pendant dix
années. Il n'y rentra, en l'année 1644, que pour renouveler la série de ses méfaits. Il reprit le château de Lasserre. A Francescas, il imposa
ses créatures pour le consulat, déclara banaux ses moulins, créa des fours banaux, imposa des subsides injustes et contraignit ceux qui s'opposaient
à tant d'arbitraire à prendre la fuite pour sauver leur vie.
Le second duc d'Epernon intervint à l'imitation de son père qu'il avait remplacé dans te gouvernement de la province, mais, avant que le vice-sénéchal ait eu le
temps d'agir, Pierre d'Esparbès, furieux de voir s'organiser contre lui une résistance légale, pénétra dans Francescas avec une troupe armée pour
tuer les consuls. Comme il ne les trouva pas, il s'en prit aux femmes et aux enfants, dont plusieurs furent transpercés et foulés aux pieds.
Le consul Pierre Vaqua, qui, en toute circonstance, avait fait preuve d'une grande énergie, n'eut pas de peine à persuader à ses compatriotes que
le seul remède à tant de maux était le rachat de la seigneurie.
En l'année 1648, Jean d Estrades venant d'être nommé évêque de Condom, les consuls de Francescas négocièrent avec lui et s'engagèrent à lui fournir les 3.325 livres à payer pour ce rachat. D'Estrades entra dans leurs vues et fit signifier, à la date du 2 juillet, une sommation à Pierre d'Esparbès de céder ses droits sur Francescas moyennant la remise de la somme payée pour leur acquisition.
Mais un incident se produisit, qui n'était point fait pour facililer la solution. D'Esparbès, qui avait probablement contracté des emprunts plus ou moins forcés, devait à la communauté de Francescas la somme énorme de dix à douze mille livres. Pierre Vaqua, syndic, s'opposa naturellement au versement des 3,325 livres entre ses mains, cette somme devant entrer en compte pour le règlement de sa dette.
Et rien ne fut fait. Pierre d'Esparbès disparut de la scène. On eut désormais à traiter avec son frère Louis, légitime seigneur de Lasserre, qui porta
le titre de comte de Lasserre. Puis les troubles de la Fronde causèrent bientôt des préoccupations d'un autre ordre.
Les habitants de Francescas se mirent en bons rapports avec leur nouveau seigneur, qui fréquentait le duc d'Epernon à Cadillac. Au commencement de l'année 1649, la communauté étant grevée de logements militaires, on eut recours à lui pour en être déchargé.
Il put rendre ce service mais non sans compensation. Il emprunta 700 livres à la communauté dans un moment critique où les consuls étaient menacés
d'emprisonnement faute de payer les tailles. On se gêna fort et il ne semble pas que cette somme ait été jamais remboursée. De plus, il fit savoir qu'il ne
payerait les tailles pour ses terres de Lasserre ni pour le passé, ni pour le présent, ni pour l'avenir. Il imposa comme consul le sieur Rigal. Enfin il se présenta
lui-même dans une jurade, tenue le 11 décembre 1650 et fit savoir qu'il fallait se départir de "la consignation faite pour le rachap de la segneurie"
sous le nom de Monsieur l'évesque de Condom. » Cette déclaration fut accueillie par un morne silence d'après le procès-verbal, im n'y eut pas de délibération,
c'est à dire pas acquiescement ni protestation.
Il était donc toujours impossible de se rédimer de cet odieux paréage partois, on croyait toucher au but, mais pour un pas fait en avant il fallait faire, malgré soi, deux pas en arrière.
Louis de Lussan, moins tyrannique que son frère, se rendit compte cependant qu'il était loin d'être populaire dans ce pays de Francescas. Il exerça une petite vengeance en imposant à cette ville le logement d'une compagnie de M. de Saint-Luc. On lui envoya une députation (juin 1651) pour le supplier de revenir sur cette décision. Sa réponse fut « que « nous ne le considérions pas à luy et partant qu'il ne nous » voulloyt considérer à davantage.«
Nouvelle députation en janvier 1652. Le comte et la comtesse de Lasserre reçurent fort amicalement les représentants de Francescas mais leur firent entendre qu'ils les abandonneraient s'ils ne cédaient sur la question des boucheries, l'exemption des tailles « et autres choses cy-devant proposées. » Par ces autres choses il faut entendre le rachat du paréage.
Ainsi les malheureux consuls, pour sauvegarder les intérêts de la communauté, compromettaient leur dignité en réitérant leurs démarches et leurs supplications. Mais encore avaient-ils le beau rôle. Que penser des gentilhommes qui mettaient leurs services à prix et réclamaient ou marchandaient à propos ce qu'on appellerait
de nos jours une commission ou un pot-de-vin.
En mars 1652, l'armée du comte d'Harcourt campait aux environs du Pergain. Francescas était trop près pour n'être pas exposé aux logements militaires. Il se trouva qu'un frère consanguin du comte de Lasserre, le chevalier de Lussan, commandait la cavalerie et exerçait en même temps les fonctions de secrétaire du comte d'Harcourt. Les consuls de Francescas firent des démarches auprès de lui, avec plein succès, pour obtenir une sauvegarde; mais le chevalier leur déclara sans ambages que
leur reconnaissance devait se traduire par un don de 1.500 livres. La communauté était pauvre et sollicita un rabais. Le chevalier finit par se contenter
d'une somme de 1.000 livres, payée en cent pistoles, et de 150 livres pour son secrétaire. Cependant, peu de jours après, avant la fin du même mois de mars,
le chevalier réclama 1.000 livres de plus, sinon comme don au moins à titre d'emprunt (et l'on savait assez qu'emprunt ou don c'était la même chose).
Il était pour lors à Condom et insinuait que l'armée aurait à repasser par ces quartiers et qu'il ne répondait de rien. On comprit ce que cela voulait dire.
Les habitants de Francescas se saignèrent aux quatre veines pour donner encore 500 livres, ceux de Ligardes en fournirent autant. Les résuttats furent
appréciables non-seulement on fit «passer l'armée par autre lieu », mais encore Francescas obtint du comte d'Harcourt une exemption générale des logements militaires. Aussi le chevalier fut-il comblé de petits présents supptémentaires. Le comte de Lasserre, dans une lettre des plus aimables, se félicita que son frère ait
pu rendre d'aussi grands services à l'exemple d'ailleurs de tous les membres de sa famille.
Le temps des troubles de la Fronde une fois passé, les incidents de la vie communale se réduisent à des détails. On voit parfois intervenir le comte et la comtesse de Lasserre dans tes éjections dejurade. Un document prouve qu'à deux reprises ils cherchèrent à introduire des cordonniers dans cette assemblée bourgeoise, qui protesta, ne voulant pas avilir ces charges et confier à des illettrés l'exercice de la justice.
On verra, en consultant la liste des seigneurs de Lasserre, que, la branche du comte de Lasserre étant tombée en quenouille, ladite seigneurie appartint de 1697 à 1707 au comte d'Egmont et qu'elle fit retour auxd'Ésparbès,en 1717:
Acquise par une Narbonne, en 1752, elle passa, dix ans plus tard, aux mains du comte de Digeon.
D'après des états dressés au 'milieu du siècle dernier, la seigneurie de Lasserre comprenait alors dix métairies, trois faisandes et le grand moulin de Vialère.
Dans ce comté, les rentes seigneuriales étaient de 6 sous par cartelade et d'une poule par feu. Ces rentes et les divers droits de justice, de !ods et ventes, de prélation, etc., n'excédaient pas un revenu annuel de 2.000 livres. La valeur des domaines n'atteignait pas 100.000 livres. Francescas, avec ses domaines, ses fiefs,
ses droits divers comprenant les deux tiers de la justice moyenne et basse était évalué à peu près au même chiffre.
Le tout était estimé 180.000 livres.
FRANÇOIS DE COSNAC, marquis d'udit lieu, seigneur de la
Guesle, Pénacort, le Chariol, capitaine de cavalerie au régiment
d'Albret,'avait reçu une éducation soignée, grâce à la sollicitude
affectueuse de son oncle, l'évêqûe de Valence, qui négocia
son mariage avec Marguerite -Louise d'Esparbez de Lussan,
fille de haut et puissant seigneur Louis d'Esparbez de Lussan
d'Aubeterre, chevalier, comte de la Serre, seigneur de Francescas
et Ligardes, marquis de Grignols, sénéchal et gouverneur d'Agenois
et-Condomois, lieutenant général des armées de Sa Majesté,
et de haute et puissante dame Catherine de Tiercelin-Saveuse.
Au contrat, passé au château de la Serre, diocèse de Condom,
le 24 juin 1671, comparut illustrissime et révérendissime messire
Daniel de Cosnac, évêque et comte de Valence et Die (1), prince
de Soyons, conseiller du roi 'en ses conseils.
L'ainé de François, Louis, comte d'Aubeterre et de La Serre, seigneur de Francescas, co-seigneur de Ligardes, marquis de Grignols, gouverneur d'Agenais et de Condoimois, s'illustra dans toutes les guerres du grand roi, et particulièrement à Rocroy et à Nordlingue. Ce personnage, qui succomba à l'âge de 77 ans, en 1693, ne laissa que trois filles. Deux embrassèrent la carrière monastique. La troisième, Louise, riche en domaines, mais indigente de beauté, trouva un mari par l'intermédiaire de Cosnac, évêque de Valence, dont l'exil à l'Isle-en-Jourdain a été, dans cette Revue, le sujet d'un intéressant article dû à la savante plume de M. Léonce Couture. Le prélat fit venir son neveu, François de Cosnac, et lui fit accepter l'opulente héritière. Le mariage fut célébré et consacré par l'oncle dans le château de La Serre, le 24 juin 1674. Dans la terrible guerre contre les Hollandais (1672 et 73), le jeune époux aida puissamment au triomphe de Louis XIV.
De cette alliance provint Marie-Angélique. Cette fille unique donna sa main à Procope-François, duc de Gueldres et comte d'Egmont, issu de la princière famille de ce nom qui avait donné, vers 1500, un stathouder à la Hollande, un chambellan de Charles-Quint, et, de plus, le grand soldat qui fut vainqueur à Gravelines. Procope, le dernier représentant de cette maison, entra au service de la France comme brigadier de cavalerie. Il passa ensuite sous les drapeaux de Philippe V; il périt de la dyssenterie à Fraga, en Espagne, le 15 septembre 1707. Ses titres étaient : comte d'Egmont, marquis de Renty, seigneur de Villers, Chatel, Aubigny, prince de Grave, généralissime de la cavalerie du roi d'Espagne. Il légua à Sa Majesté catholique ses prétentions et droits sur les duchés de Gueldres et de Juliers, et laissa à sa sœur, épouse du général napolitain Nicolas Pignatelli, duc de Bissaccia, le reste de sa fortune.
Le cœur de Procope-François d'Egmont, seigneur de La Serre, a été religieusement conservé dans une custode de plomb. Une tablette tumulaire, aujourd'hui réduite en fragments, laisse lire, lorsqu'on les réunit, ces mots en lettres d'or : Ci-gît le cœur de très haut et très puissant seigneur François-Procope, comte d'Egmont, prince de Grave et du St-Empire, duc de Gueldres et de Juliers, seigneur du pays d'Arkel, chevalier de la Toison-d'Or, lieutenant général de S. M. C, mort à Fraga, en Espagne.
Ce mausolée s'élevait dans la petite église de La Serre qui était jadis une dépendance du château.
Une oraison funèbre fut prononcée en l'honneur de ce grand d'Espagne, par l'abbé Lunière, le 16 novembre 1707. La famille Lagutère, de Condom, possède, dit-on, ce morceau oratoire.
II était mort à 38 ans (septembre 1707), laissant dans le veuvage Marie-Angélique de Cosnac, comtesse de La Serre; elle ne descendit dans la tombe que dix ans après. L'appartement qu'elle occupait dans le château porte encore le nom de chambre de la princesse. Avant de mourir, elle institua une rente de 200 livres pour la fondation d'un obit ou messe perpétuelle.
Le dernier d'Aubelerre, l'un des brillants gentilshommes de la cour luxueuse et luxurieuse de Louis XV, fut obligé à sa mort, par suite des dépenses énormes faites durant sa vie, de faire abandon total de ses biens à ses créanciers. Chose singulière pour l'époque, et signe éclatant de la chute du régime féodal, on afficha la mise en vente des seigneuries de La Serre, Francescas et Ligardes. Cette affiche, quoique en grande partie rongée par les rats, laisse cependant entrevoir son contenu : En conséquence d'un contrat d'Abandonnement, d'union et de Direction, en date du 46 août 1748, de messire Louis-Pierre-Joseph Bouchard d'Esparbès de Lussan, de Ste-Maure, d'Aubeterre, comte de Jonzac et d'Aurellac, maréchal des camps et armées du roi, etc., il sera, le vendredi 11 janvier 1752, en la maison et étude de M. Tormé, rue des Mathurins, paroisse de St-Etienne du Mont, procédé à la vente et adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur de : le fief de la Serre consistant en un château couvert en ardoise, etc..., plus haute moyenne et basse justice qui s'exerce par un juge procureur fiscal; plus droits de prelation de lods et rentes seigneuriales, etc., plus les fiefs et arrière fiefs mouvant de la dite Terre—plus la nomination et obit de la Serre fondée par la dame de Cosnac par contrat du 4 avril 1713.
La dite seigneurie relevant du duché d'Albret.
—Plus le seigneur de La Serre est aussi seigneur des paroisses de Francescas et de St-Orens en paréage avec le roi.
Madame la comtesse de Narbonne-Pelet, de l'une des maisons les plus distinguées du Midi, et aïeule maternelle de M. le comte de Digeon, se rendit adjudicataire de ces terres importantes. L'acte de prise de possession, dont la minute doit se trouver au notariat de Francescas, eut lieu en 1753 par l'entremise de M. Regnard, délégué de la seigneuresse nouvelle. Ce fondé de pouvoirs entra successivement dans toutes les métairies, fit jouer les clés dans les serrures, alluma du feu dans les cheminées, prit dans chaque champ une motte de terre qu'il jeta au loin, et se rendit ensuite dans la chapelle de Francescas, où il fit une courte prière. Tel était en ce temps le mode d'occupation d'une propriété.
Inventaire des titres et papiers dépendant de la succession du comte de Jonzac, Pierre Joseph Bouchard d'Esparbes de Lussan
et de Sainte-Maure(10 septembre et 2 octobre 1750). Minutes de Senné, notaire royal à Saintes. Communication de M. Charles Dangibeaud. Ce document publié dans les Archives historiques de la
Saintonge et de l'Aunis, t. xx, p. 395, fournit quelques renseignements
sur les d'Esparbès, seigneurs de Lasserre. Les notes empruntées
à ce texte ont été communiquées par M. l'abbé Dubois.
Liste des Seigneurs de Lasserre
1255. - Odon de Lomagne est cité,dans un acte de 1255 comme
ayant engagé le château de Laceres. S'agit-il bien de Lasserre ? (Voir
Teulet, Inventaire des Layettes du trésor des Chartes, t. in, p. 260, b).
Seconde moitié du XIIIe siècle. M. Jules de Bourrousse de Laffore a mentionné deux personnages portant le nom de Lasserre:
Géraud et Arnaud-Loup, chevalier.
Commencement du XV° siècle. Le connétable d'Albret donne le château de Lasserre à Montaigu un de ses gendres (Rieubet).
1498. Louis de Montaigu rend hommage au duc d'Albret pour la
seigneurie de Lasserre.
1538. Jean de Montaigu rend hommage pour la seigneurie de Lasserre en 1538. Il épousa Jeanne de Goyrans.
1570-1616. Catherine Bernarde de Montaigu, leur fille, épousa, le 16 avril 1570, Jean-Paul d'Esparbès, seigneur de Lussan, auquel
elle apporta la seigneurie de Lasserre.
1616-1628. Leur fils, François d'Esparbès, vicomte d'Aubeterre, baron de Lasserre, etc., maréchal de France, épousa Hypollite Bouchard, dont eut, entre autres, Pierre et Louis, qui suivent. François mourut en janvier 1628.
1628-1648. Pierre Bouchard d'Esparbès de Lussan, marquis d'Aubeterre, seigneur de Lasserre, de Ligàrdes et de Cadenac, sénéchal et gouverneur d'Agenais et de Condomois, épousa, le 26 septembre l646, Marie-Claire de Pardaillan, fille d'Antoine-Armand, seigneur de Gondrin, marquis d'Antin et de Montespan, et de Paule de Saint-
Lary de Bellegarde. D'après les archives de Francescas, ce Pierre parait
avoir usurpé la seigneurie de Lasserre.
1648-1693. Son frère, Louis, comte de Lasserre, marquis d'Aubeterre,
sënéchal d'Agenais et de Condomois, mort en 1693 1. Il n'eut que des filles, dont l'une Louise-Marguerite épousa, en 1671, François
de Cosnac, qui mourut en 1674.
1693-1717. Marie-Angélique de Cosnac, fille de François de Cosnac et de Louise d'Esparbès de Lussan, épousa, le 21 mars 1697,
François Procope, duc de Gueldres, comte d'Egmont, qui mourut le 15 septembre 1707.
Marie Angélique lui survécut dix ans. A sa mort, le château de Lasserre fit retour aux marquis d'Aubeterre.
1717-1752. Il demeura inhabité et, en 1748, messire Louis-Pierre-Joseph Bouchard d'Esparbès de Lussan, étant ruiné, mit en
vente la seigneurie de Lasserre qui fut adjugée, en 1752, à Jeanne de Nayrac, marquise de Pouy, épouse de messire Pierre de Narbonne
Pelet.
1752-1762. A la mort de cette dernière (1762), la seigneurie de Lasserre passa à son petit-fils le comte de Digeon.
1762-1836. Celui-ci est bien connu. Ses contemporains ont pu apprécier sa grande simplicité, sa bonhomie, sa philanthropie, son
esprit d'initiative pour transformer ou perfectionner l'agriculture dans
ses vastes domaines de Poudenas, de Durance, de Lasserre, etc. C'est
a lui que Nérac doit la statue de Henri IV. II fut élu membre de la Chambre des députés, en 1814. Samazeuilh a pu terminer la biographie
qu'il lui a consacrée par cet é!oge « C'est un des hommes qui ont le plus honoré notre pays ».
Le comte de Digeon mourut en 1836.
1836-1900. Sa nièce, Jeanne-Rose-Aglaé d'Estut de Solminiac, épouse de Henry, baron de Gervain, hérita du château de Lasserre,
dont elle fit donation à son fils Léopold, baron de Gervain, douze ou treize ans plus tard.
M. le baron Léopold de Gervain restaura avec une grande intelligence le château de Lasserre, actuellement (1880) habité par Mme la baronne
de Gervain et par M. le baron de Gervain, son fils.
Qu'il nous soit permis, en clôturant cette liste, d'exprimer notre reconnaissance
à Mme la baronne de Gervain, déjà bien connue des lecteurs
de la Revue comme auteur de la biographie du baron Portal.
Mme la baronne de Gervain a bien voulu nous donner toute facilité
pour rédiger cette notice. C'est aussi grâce à sa libéralité que la Revue a publié une partie des planches qui font mieux connaître les riches. ses artistiques du château de Lasserre et qui -ont permis de simplifier
les descriptions.
Annonce dans l'Illustration" en 1913: Château et domaine de Lasserre; château, parc. réservoir, prairies, vignoble au lieu dit, Couynon et six métairies, à Iasserre, à Franccscas et Moncrabeamcanton de Francescas, arrondissement' de Nérac. Mis à prix à' 190.000 francs. Adjugé ...
Sans doute à la famille Pourtalès a réussi cette enchère et la comtesse Geneviève Leon Duffour de Pourtalès qui était maire de la commune Lasserre en 2002, représente les propriètaire aujourd'hui.
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