Dans les années 1970, vous étiez politiquement à gauche. Vous signez des tribunes dans la presse locale en 1974 pour soutenir la candidature de François Mitterrand.
Oui. Tout à fait. Je suis rentré aux jeunesses radicales en 1946. Mon premier acte politique, ça a été de coller des affiches pour Caillavet, qui était candidat radical aux législatives le 2 juin. Je me souviens bien de la date, car je me suis marié le 1er juin et le 2 je collais des affiches avec ma femme ! J’ai continué à militer chez les radicaux. Je suivais Caillavet. Les radicaux de Lot-et-Garonne qui étaient presque tous derrière Caillavet l’ont suivi au moment de la scission liée au programme commun. On a crée les Radicaux de Gauche. Je n’y suis pas resté longtemps car je me voyais mal défiler aux côtés de Séguy ou Georges Marchais ! Il y avait de plus eu l’affaire de l’élection de Chaban-Delmas à la présidence de la Région Aquitaine fin 1974. Nous étions quelques uns à avoir soutenu sa candidature et à avoir voté pour lui. Menacés d’être exclus par Fabre lui-même, nous avons préféré partir. Après cela, je suis resté aux Radicaux Valoisiens, au centre droit. J’ai abandonné la présidence des radicaux valoisiens de Lot-et-Garonne mi-décembre 2010.
Bordeneuve est battu en 1976 à Penne d’Agenais, il ne peut donc plus être Président du Conseil Général.
C’est cela. Il fallait trouver un Président. On se posait des questions et on ne savait pas trop qui on pouvait mettre. Jean François-Poncet tirait les ficelles dans la perspective des sénatoriales de 1983. Il faisait partie de la commission de l’agriculture au conseil général et était très respectueux d’Andrieu, le président de cette commission. Andrieu était progressiste, SFIO très modéré. On a décidé qu’on pouvait l’accepter comme Président contre la gauche, et notamment Cazassus. Il a été élu dans la confusion, dans un climat tendu. L’élection a eu lieu à 15h30 alors que nous étions réunis depuis le matin. A l’époque le conseil général était à la Préfecture. C’était Descayrac de Villeneuve qui portait la candidature de Cazassus. Il y a eu une vive discussion entre Esquirol et Descayrac et j’ai le souvenir d’Esquirol prenant Descayrac par le col d’une main et par la ceinture de l’autre pour l’envoyer en bas des marches.
Pourquoi Jean François-Poncet n’est pas devenu président en 1976 ?
Ce n’était pas prêt. Il était à l’Elysée, peu présent en Lot-et-Garonne. Il n’en a pas été question à ce moment. Il a par contre piloté depuis Paris l’élection d’Andrieu. Je l’ai eu au téléphone plusieurs fois dans la journée.
En 1978, donc, Andrieu décède.
Oui. On va à ses obsèques à Monflanquin. Dans le cimetière, on a fait une mini réunion, avec de Cacqueray, Roques, Jamet, Genestou, peut-être quelques autres. A la sortie du cimetière, c’était Charles de Cacqueray qui était président du conseil général. Il était à peu près certain d’être élu. Le soir même vers 21h, je reçois un coup de fil du directeur de cabinet de Jean François-Poncet, Rémy Chardon, pour me demander ce que je pense d’une candidature de Jean François-Poncet à la présidence. Je lui ai répondu que j’en serai ravi, mais qu’on ne le voyait jamais et que nous avions prévu autre chose l’après-midi même. Il leur restait donc deux personnes à convaincre : de Cacqueray pour lui expliquer qu’il ne serait pas président, et Caillavet parce qu’il avait une véritable autorité sur beaucoup de conseiller généraux radicaux, y compris quelques socialistes. Jean François-Poncet a vu de Cacqueray et lui a promis qu’il serait 1er vice-président et suppléant aux sénatoriales de 1983, et donc sénateur puisque Jean François-Poncet envisageait de rester ministre après la présidentielle de 1981 si Giscard était réélu. Quant à Caillavet, ni lui ni Jean François-Poncet ne m’ont dit toute la vérité. Jean François-Poncet me téléphone pour me dire que Caillavet, c’est dans la poche et que les radicaux voteront Jean François-Poncet. Il me dit qu’il lui a promis un voyage avec Giscard à New York…mais il ne m’a pas tout dit ! Ce que j’ai su par la suite, c’est qu’il lui avait aussi promis une place éligible pour les élections européennes sur la liste de Simone Veil en 1979. Le lendemain matin, Caillavet me téléphone pour m’expliquer que Jean François-Poncet est quelqu’un d’extraordinaire. Tout baignait dans l’huile. Tout cela a marché, de justesse. Le jour de l’élection, j’étais assis à côté de Jean François-Poncet qui me demande s’il doit voter pour lui. Je lui dit que oui, et pour être certain qu’il le fasse, c’est moi qui ai écrit son bulletin. Or au dépouillement, un blanc ! Qui avait déposé le blanc ? Tout le monde pensait que c’était Jean François-Poncet, mais ce n’était pas le cas puisque c’est moi-même qui avait écrit son nom sur son bulletin. Je sais depuis très peu de temps qui c’est. Je soupçonnais Aulong, ou Faure qui ne supportait pas Jean François-Poncet car ce dernier était un copain d’Esquirol et que Faure ne supportait pas Esquirol, et aussi Lapoujade. Plus de trente ans après, je sais lequel des trois c’est !
Voila comment Jean François-Poncet a été élu Président.
Quand il a été battu à Laplume en 1994, je venais d’être réélu dans un fauteuil et lui ai proposé de démissionner pour lui laisser mon canton. Il a refusé. Il a fait sa traversée du désert.
En 1994, comment se fait le choix de Jean-Louis Brunet pour la présidence du conseil général ?
J’avais été sollicité. Ca ne m’intéressait pas. A ma femme non plus ! C’est Genestou qui a choisi Jean-Louis car il savait qu’il pourrait se servir de lui comme il l’avait déjà fait auparavant et comme il a continué à le faire par la suite.
Quelle a été votre première rencontre avec Jean François-Poncet ?
Il était ami de Pierre Esquirol qui était originaire de Francescas. Un jour Esquirol me dit : « Vous savez que nous avons un grand monsieur qui va venir en Lot-et-Garonne pour y faire de la politique : Jean François-Poncet. » C’est donc Esquirol qui me l’a présenté. C’était avant la campagne des législatives de 1967.
Votre élection au conseil général vient par la suite…
Monsieur Bousquet était aussi conseiller général. L’échéance arrivait en mars 1970. Il a décidé de ne pas renouveler son mandat et on m’a demandé de me présenter. C’est ce que j’ai fait. Nous étions trois candidats : Dufoir le Maire de Fieux, Farré le Maire de Saint-Vincent-de-Lamonjoie et moi. J’ai été élu au premier tour et je l’ai été de la même façon en 1976, 1982, 1988 et 1994 avant de laisser la place en 2001.