St. Barthélemy-de-Trillan
Les bâtiments
La maison de Saint-Barthélemy, située sur les premières hauteurs à 1 km au sud-ouest de Francescas, témoigne, par de nombreux éléments d’architecture ou de décoration ainsi que par ses habitants successifs, de la riche histoire de Francescas.
Située à un emplacement stratégique permettant de surveiller la vallée de la Baïse et l’un de ses principaux ponts, cette maison passa au fil des siècles du statut de poste militaire à celui de maison de maître sur un domaine agricole. Ses premiers éléments furent construits aux XIIe et XIIIe siècles. Elle fut ensuite remaniée au XVIe puis aux XVIIIe et XIXe siècles.
Le corps du bâtiment sud en pierre de
taille, où ont été trouvés deux silos à grains, est la partie la plus
ancienne. La partie nord a été reconstruite au XVIe siècle ; deux
fenêtres à meneaux et trois meurtrières sont contemporaines de ces
remaniements.
François de Bazon dit dans un acte du 29 janvier 1711 cité
par J. Bourrousse de Laffore, que la maison de Saint-Barthélemy, par lui
vendue aux sieurs du Cos, consiste en « pavillon, girouettes, guérites, créneaux, etc. ». Ces guérites et créneaux ont disparu, et le logis est maintenant
doté d'une façade ordonnancée au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. A
l’intérieur, la disposition et la destination des pièces ont également
été profondément modifiées, toutefois dans les limites des murs
porteurs de 1,20 m d’épaisseur ; on remarque un escalier en bois
de bonne facture.
A la Révolution, Saint-Barthélemy est à
la tête d'un domaine agricole ; un grand chai et un pressoir à vin,
ainsi qu'un logement de domestiques ont été bâtis sur l'arrière du
logis ; cinq métairies, Garros, Rocher, Luzy ou Éleusis, Passabon et
Labourdette, ont été construites sur des plans similaires entre 1750 et
1809 : elles comprennent un seul corps de bâtiment abritant logis et
dépendances, et sont divisées en longueur, avec grange centrale, logis
et chai d'un côté, étable de l'autre. Le domaine s'est accru au XIXe
siècle, puis a été divisé, retrouvant sa dimension de la fin du XVIIIe
siècle.
L'historique
La paroisse de Saint-Barthélemy de Trillan est mentionnée à plusieurs titres dans les hommages de 1286.
Lorsque toute l'armée d'Agenais sort
du pays d'Agenais, le seigneur de Saint-Barthélemy de Trillan doit,
avec messire Bertrand de Somont, chevalier, fournir un servant d'armes, à
raison des biens possédés, soit dans la ville, soit hors le dex, mais
dans la juridiction de Francescas (14 novembre 1286) (Archives historiques du département de la Gironde, 1. 1, p.358).
Le sieur Géraud Laura et ses frères reconnaissent, le
même jour de 1286, tenir du roi Edouard d’Angleterre, seigneur
d'Agenais, tout ce qu'ils possèdent dans les paroisses de Fraulenx,
de Saint-Orens de Cuzac, et de Saint-Barthélemy de Trillan, à
l'exception de certaines pièces de vignes. Ils déclarent devoir
pour cela au seigneur d'Agenais, un servant d'armes à pied pour
l'armée, lorsque toute l'armée d'Agenais marche (Idem, p. 355).
Le sieur Gailhard du Puey (ou du Puy ou de Pins) et
Guiraude de Navas de Penseros et leur fils B. de Villère abandonnent à
l'évêque d'Agen la moitié de la dîme de la paroisse de Saint-Martin de
Mairen et toutes les dîmes qu'ils ont dans le diocèse. Ils en exceptent
la part qu'ils possèdent dans la paroisse de Saint-Barthélemy de
Trillan, en vertu d'un traité passé entre ledit évêque d'une part, et
lesdits Gailhard et Penseros d'autre part [Cartulaire d'Agen, Bulle
cotée par lettres C. 0.).
De la même façon, le sieur Pierre Raymond de La Plagne de
Gazaupouy abandonne à l'évêque d'Agen la moitié de la dîme de la
paroisse de Notre-Dame de La Plagne, et la dîme de la paroisse de
Saint-Barthélemy de Francescas [Idem, Lettres A. C).
Finalement, la dîme de l'église est vendue aux enchères en 1791.
Encore citée comme chapelle à la fin du XVIIIe siècle, l’église disparaît ensuite, comme l’atteste un témoignage du début du XIXe siècle : « Dans la commune de Francescas, sur la route de cette petite ville à Condom, près de la limite des trois communes de Francescas, de Lasserre et de Moncrabeau, s'élevaient la petite église et le château de Saint-Barthélemy de Trillan. Aujourd'hui l'église n'est plus consacrée au culte religieux, et le château a perdu son aspect féodal. »
Aujourd’hui, l’église a disparu sans que l’on ait même d’indications plus précises sur son emplacement.
Propriétaires successifs
Saint-Barthélemy, ou Saint-Berthoumieu selon la prononciation gasconne, appartenait à la famille de Bezolles, sous le règne des derniers Valois (XVIe siècle).
Par acte du 11 mars 1601, noble Jean de Bezolles,
seigneur de Saint-Barthélemy et dame Suzanne de Patras de Campaigno,
son épouse, marient, dans le château de Saint-Barthélemy, en la commune
de Francescas, leur fille Honorée de Bezolles avec Charles de Bazon,
seigneur baron de Beaulens, gentilhomme de la Chambre de la reine
Marguerite de Valois. François de Bazon, né de cette alliance et
marié le 9 juillet 1634 à Suzanne de Bonnot de La Tuque, leur fils
Charles et leur petit-fils François II de Bazon, furent successivement
barons de Beaulens et seigneurs de Saint-Barthélemy.
Le 1er décembre 1710, messire François II de Bazon, baron de Beaulens, vend le
château, basse-cour, chapelle et dépendances appelés à
Saint-Barthélemy, avec le patronage, ban et droit de sépulture à la
chapelle Notre-Dame de la Charité, dans l'église de Francescas.
L'un des deux acquéreurs était Jean du Cos, sieur de Saint-Ourens,
appelé « lou Croutzé » parce qu'il avait été des premiers
chevaliers de Saint-Louis créés par Louis XIV. Il avait été brigadier
des gardes du corps du roi, de la compagnie du maréchal duc de
Boufflers, à laquelle il avait servi trente ans, de 1677 à 1707.
L'autre acquéreur était son frère, Louis du Cos, sieur de Saint-Ourens
et de Lateulère. Ils étaient les fils de noble Jean-François du Cos,
sieur de Bourgade et de Saint-Ourens, et les petit-fils de Pierre du
Cos. Ce dernier se qualifiait sieur de Bourgade, dans la juridiction de
Fieux, en Albret. Il avait été nommé juge royal de Francescas par
lettres patentes du 8 mars 1635.
L'aîné de ces deux frères fut le père de Jean-François Ducos,
Seigneur de Saint-Barthélemy, qui épousa en 1737 Louise-Candide de
Cambon, fille de messire Balthazar de Cambon, seigneur d'Arconques,
ancien capitaine de Dragons, et de dame Elizabeth de Vacquier de Limon.
Ils eurent, de ce mariage, quatre filles, auxquelles arriva une étrange histoire :
Une nuit d'orage, les deux aînées étaient couchées dans le même lit
lorsque la foudre tombe sur l'une des girouettes du château, enflamme
le lit et frappe les deux jeunes filles. L'aînée avait reçu au front
une profonde blessure affectant la forme d'une croix, blessure
extrêmement lente à se cicatriser, et qui, pendant un grand nombre
d'années se rouvrait et suintait chaque jour d'orage.
Les mêmes Jean-François du Cos et Louise-Candide de Cambon eurent
aussi quatre fils, officiers dans les armées du roi, et d'une vivacité
peu commune. L'aîné, officier au régiment de Bourbonnais, avait épousé,
le 4 décembre 1767, noble demoiselle Marie de Goyon de La Rivière ; le
troisième, officier d'artillerie, épousa une demoiselle de Gaün
d'Aiguillon. Ces deux officiers, étant à Saint-Barthélemy, ont un jour
une violente discussion, qu'ils veulent immédiatement terminer comme
s'ils n'étaient pas frères. Pour n'être pas vus et détourner tout
soupçon, ils vont dans la grande salle, s'arment chacun d'un pistolet,
se mettent en garde pour se battre loyalement, comme il convient à des
officiers. A cet instant, Marie de Goyon, la jeune femme de l'aîné,
entre éperdue dans la salle transformée en champ clos ; se jetant
résolument entre les deux frères momentanément ennemis, elle a ses
cheveux et son bonnet enflammés par le feu d'un pistolet. La brusque et
courageuse intervention de la jeune épouse sauva très probablement la
vie à l'un des deux frères, peut-être à l'un et à l'autre.
Sa fille Marie-Paule du Cos de Saint Barthélemy a par la suite épousé un ancien officier, Louis Clairin. Elle eut dans sa part la terre de Saint-Barthélemy que ses descendants possèdent encore.
De son côté, Pierre-Jean-François Ducos de
Saint-Barthélemy, frère de Marie-Paule du Cos de Saint Barthélemy,
épousa Rose-Olympe de Gélas. Leur fils, François-Camille Ducos de
Saint-Barthélemy, né le 10 prairial an XIII, et son fils
Marie-Joseph-Louis-Amanieu, né le 28 octobre 1842, demeurant à Toulouse
et à La Rivière, près de Lectoure, ont été autorisés, après décision
de la commission du Sceau de France, par décret impérial du 13 août
1861, à faire à leur nom patronymique l'addition de celui de de Gelas,
que portait leur mère et grand'mère, et de se nommer à l'avenir Ducos
de Saint-Barthélemy de Gélas. La famille de Gélas appartenait à
l'ancienne noblesse de Gascogne. Elle possédait dès Ie XIIIe siècle la
seigneurie de son nom, située près de Condom. Elle fut maintenue dans
sa noblesse en 1700, sur preuves remontant à 1499, par jugement de
Legendre, intendant de Montauban. Son chef prit part en 1789 sous le
titre de comte aux assemblées de la noblesse tenues à Condom.
Côme Clairin, fils de Louis et Marie-Paule Clairin, fut officier au
régiment des gardes du corps de Louis XVIII. Et leur petit-fils est le
chef d’escadrons Henri Clairin, ancien capitaine des Cent-Gardes.
Louis, Côme et Henri Clairin furent à plusieurs occasions maires de
Francescas tout au long du XIXe siècle. Après s’être illustré dans
toutes les campagnes du second Empire, en particulier au siège de
Sébastopol, Henri Clairin a épousé Constance-AdélaÏde Gamard, une jeune
veuve mère d’un petit garçon, Albert Gamard. Sans enfant de ce mariage,
Henri Clairin adopta le jeune Albert, qui prit alors le nom de
Gamard-Clairin.
Albert Gamard-Clairin (1855 – 1935) fut avocat au barreau de Toulouse. Marié à Valentine Ribell (1863 – 1941), ils eurent deux filles, Andrée et Madeleine. Cette dernière épousa le baron Pierre Sabatié-Garat (1881 – 1974).
Celui-ci descendait de Martin Garat (1748 – 1830),
originaire d’Hasparren (Basses Pyrénées), qui fut le premier directeur
général de la Banque de France, depuis sa création en 1800 jusqu’à sa
mort. Les billets de banque portaient sa signature, ce qui, d’après
Balzac, les faisait populairement appeler les « fafiots
garatés ». Il fut créé baron de l'Empire par lettres patentes du
19 septembre 1810. Il eut quatre enfants, dont Paul, ou Paulin (1793 –
1866), secrétaire général de la Banque de France.
Paul Garat eut deux filles, Caroline (1821 – 1884) qui épousa Edouard
Sabatié (1804 – 1885) et Gabrielle, qui épousa Henri Morio de l’Isle
(1826 – 1883). Le fils aîné d’Edouard et Caroline Sabatié, Paul Sabatié
(1844 – 1920) fut adopté par son grand-oncle Charles Garat, dernier
fils de Martin Garat, et autorisé par décret du 27 octobre 1869 à
relever le nom et le titre de baron Garat. Paul Sabatié-Garat fit une
carrière dans le corps préfectoral. Nommé sous-préfet de Muret en 1873,
il s’illustra pendant « la colère de la Garonne », la crue
historique de 1875, en se dévouant pour aller prévenir du danger qui
les menaçait les habitants d'un faubourg situé de l'autre côté du
fleuve. Le pont qu'il avait traversé s'est écroulé quelques instants
après son retour. Il tenait de son arrière-grand-père, Paul-Alexis
Sabatié, le petit château de La Cipière, aux portes de Toulouse, où,
comme mainteneur des Jeux Floraux, il donna une réception en l’honneur
de François Coppée.
Il épousa sa cousine germaine, Gabrielle Morio de l’Isle (1852 -1937), dont ils eurent quatre filles et un fils, Pierre.
Pierre Sabatié-Garat a été président de la Compagnie des Usines à Gaz du Nord et de l’Est, de la société de Distribution d’Electricité du Midi et de la société des Forces Motrices des Pyrénées.
Son fils Raymond (1913 – 1998), ingénieur civil des Mines, cadre supérieur à la Compagnie Française des Pétroles (Total), a repris Saint-Barthélemy au décès de sa mère (1969). Marié à Monique de Lacoste, ils modernisèrent la maison, y installant notamment un chauffage central et retrouvant à cette occasion plusieurs éléments d’architecture du XVIe siècle. Ils eurent également à cœur d’assurer la conservation des métairies du domaine.
De ce mariage naquirent Pierre (1946 -), Bruno (1948 -), Bertrand (1950 -), Chantal (1953 -), Arnaud (1957 – 1986). Dans la décennie 1980, Bruno, Bertrand et Chantal ont respectivement rénové les métairies d’Eleusis, du Roché et du Garros. Les fils de Bertrand, Augustin et Martin ont été conseillers municipaux de Francescas.
Au décès de Monique Sabatié-Garat (2012), le vice-amiral Pierre Sabatié-Garat lui a succédé à Saint Barthélemy.
Ainsi, cette maison n’a pas été vendue depuis 1710, passant d’une génération à l’autre par succession, mariage ou adoption. Une belle marque d’attachement familial à Francescas et sa région.
Vous trouverez ici plus de détails en ce qui concerne les familles qui ont fait l'histoire de ce domaine: La famille Sabatié-Garat