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L'affaire Bazignan
Une affaire judiciaire à Francescas
Certes, il y en a toujours eu, Francescas était le siège d'une juridiction royale jusqu'à la révolution et donc fut le siège de nombreux procès.
A la création des départements, Francescas depend du tribunal de Nérac en gardant une justice de paix. Au 19ième siècle, une affaire va troubler l’ordre public, c’est l’affaire Bazignan.
Les Bazignans étaient très nombreux dans la commune. Celui qui nous intéresse est Antoine Bazignan, premier enfant de Marie et Armand Bazignan. Il nait à Francescas le 21 Pluviôse de l’An II, soit le 9 février 1794. Son père fait la déclaration de naissance en mairie, comme temoins il y avaient : Pierre Lascourrèges, marchand et Antoine Bazignan, son oncle.
Il est mis en pension à Nérac de 5 à 15 ans, puis en formation chez Joseph Cabiran, pharmacien à Nérac.
Bénéficiant da la loi du 11 avril 1803, qui jette les bases sur la pharmacie moderne, il choisit le première option proposés, soit huit année de stage dans une officine. Sitôt son stage chez Cabiran terminé ; aide par ses parents, il ouvre une officine de pharmacie à Francescas comme aspirant pharmacien.
Ce n’est que le 24 novembre 1817, qu’il passe son examen devant le jury médical de Lot & Garonne réuni à Agen et obtient son diplôme et le titre de pharmacien. Toutefois, n’étant pas passé par une école pharmaceutique, il ne peut s’installer que dans son département d’origine. Etant sursitaire pendant ses études, il passe devant le conseil de révision le 25 mars 1813 et essaye en se faisant passer pour pneumonique, d’obtenir la réforme. Il est déclaré capable de servir.
Mécontent de cette décision, il obtient de passer un nouvel examen médical le 18 novembre 1813 et il est ajourné pour faible constitution.
Son officine, qui est installé dans la maison de ses parents est très bien pourvue de remèdes et drogues de toutes sortes, selon les résultats des inspections, qu’il subit.
Le 30 mai 1824, il passe un contrat de mariage devant maître Vivant, notaire à Francescas avec Jeanne Bourratière, fille de Joseph Bourratière, huissier royal à Francescas, et le 12 Juillet 1825 naît son fils Joseph Gustave.
Les premiers rapports d’inspections sont très favorables, notant le soin apporté aux préparations et à la bonne conversation des substances et des drogues.
Au fils des ans, le sérieux dont il faisait preuve va se relâcher et les critiques se multiplier. En 1830, l’inspection note, qu’il laisse sa pharmacie dans état d’abandon, de sérieux reproches lui sont faits et un procès verbal est dressé contre lui. L’intervention du maire lui évite des sanctions.
En 1832, l’état de sa pharmacie s’est amélioré, mais en 1836 de nouveaux reproches l’accablent. En 1852, nette amélioration grâce à la concurrence d’un jeune pharmacien, venu s’établir à Francescas. L’officine est est l’objet de nombreux éloges, ce qui n’est pas le cas du jeune confrère, qui disparaît pour s’installer à Layrac ; la concurrence disparaissant, la négligence règne à nouveau à la pharmacie Bazignan en 1856.
Le dernier rapport en 1858 paraît le plus défavorable, mais toutes les remarques restent sans effet et la carrière du pharmacien continue de se dérouler normalement.
Antoine Bazignan s’intéresse à la vie de la commune. Il fait son entrée dans au Conseil Municipal. Le 18 octobre 1846, Joseph Lassoujade, maire, installe Antoine Bazignan, qui prête sermon comme adjoint au maire, suite à l’arrête préfectoral.
En 1848, il est toujours adjoint, mais le maire est Pierre Clairin. Il est élu maire en 1852. Il est réelu le 1er Juillet 1855, sont adjoint est Pierre Soucaret.
Les affaires se gâtent en 1858. Le commissaire de police, dans un rapport au sous-préfet de Nérac, se plant d’une trop grande négligence dans les affaires communales. Antoine Bazignan reçoit un premier avertissement. Dans un rapport du préfet, adressé au Ministre de l’Intérieur, celui-ci signale, qu’un maire de département néglige de convoquer le Conseil Municipal au Te Deum de la fête du 18 août. Ce maire est Antoine Bazignon, qui, pour cet oublie volontaire ou non, sous la pression du préfet, est obligé, de remettre sa démission. Cette démission étant acceptée, le préfet fixe son choix et nomme Pierre Soucaret pour le remplacer. Antoine Bazignan, profondément marqué par cet épisode se retire de la vie publique de Francescas.
L’affaire éclate en 1862, c’est par une lettre du docteur Champmas de Francescas, adressée le 30 mars 1862 au commissaire de police de Francescas Barthélemy Bénac, accusant le pharmacien d’empoissonnement par mauvais dosage de remède ayant provoqué l’aggravation de l’état de son patient Colin Valmond.
Le commissaire de police alerte par lettre du 30 mars le Procureur Impérial de Nérac.
Le jeune Colin décède le 1er avril. Le commissaire saisit le reste des remèdes aux fins d’analyses. Il demande, que l’on procède à l’autopsie de Colin. Il se rend ensuite à la pharmacie pour récupérer les ordonnances du Dr. Champmas, que Bazignan refuse de lui remettre. Le commissaire, voulant saisir les bocaux et flacons contenant les drogues incriminés, se voit refusé brutalement la remise de ces pièces de conviction, Bazignan disant, qu’il n’a aucune confiance envers le commissaire.
Comprenant, qu’il a commis une erreur, Bazigan porte une heure plus tard volontairement lui-même les flacons au commissariat.
Le m^me jour, le brigadier de Gendarmerie de Francescas, Jean Roques, alerté par la « clameur publique », mène un enquête. Il voit le docteur Chmapmas, qui persiste dans ces accusations.
La procédure judiciaire suit son cours. Le 1er avril, le juge d’instruction Sallèles, le substitut du procureur Salgues et le greffier Ducoq arrivent à Francescas à 15 heures. Ils entendent le prévenu Bazignan, saisissant les ordonnaces, perquisitionnent quelques bocaux, et notent, que les produits toxiques ne sont pas tous gardés sous clefs. Ils se rendent au domicile de Colin où le père confirme les déclarations du Dr. Champmas. Le juge décide l’autopsie du corps, qui est déposé à l’hôtel de ville. Les docteurs Pons et Espagnac de Nérac sont chargés de l’autopsie.
Celle-ci a lieu le lendemain 2 avril 1862 en présence de Barthélemy Bénac, commissaire de police, représentant le juge, qui adresse le procès verbal. L’autopsie de déroule dans une salle de la mairie. A la suite de pénible travail, les médecins conservent certaines parties de corps dans des vases scellés, dans un premier les intestins, dans un deuxième l’estomac et dans un troisième le foie, la rate et les reins. Ces récipients restent à la disposition de la justice.
A la lecture du rapport d’expertise, il apparaît, que les soupçons, qui pèsent sur le pharmacien, se dissipent.
Après ces premières recherches, l’enquête se poursuit, le juge Sallèles auditionne les temoins, le Dr. Landeau de Port St. Marie, qui à donné les premiers soins à Colin Valmont, puis le Dr. Champmas et Célestin Jean Colin, le père.
Du 16 au 28 avril, les experts examinent les substances chimiques saisies. Les conclusions de leur rapport sont favorables au pharmacien, aucune trace de poison dans les remèdes examinés.
Le 28 avril a lieu l’audition d’Antoine Bazignan par le juge d’instruction, qui lui reproche deux infractions : la non tenue sous clé des substances vénéneuses et l’absence d’un registre spécial côté et paraphé pour la sortie de ces substances.
Le juge d’instruction décide par une ordonnance du 29 mai, vu le réquisitoire de Procureur, qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’accusation pour homicide ou imprudence, mais traduit Antoine Bazignan devant le tribunal correctionnel pour fautes professionnelles.
Audience du Tribunal Correctionnelle le 7 juin 1862 sous la présidence du juge Monthus.
Le procureur déclare Antoine Bazignan coupable d’infraction aux lois sur les substances vénéneuses.
Maître Brettes, avocat du prévenu, demande le bénéfice des circonstances atténuantes.
Les juges acceptent les circonstances atténuantes, Antoine Bazignan est condamné à cinq francs d’amende pour chaque contravention (deux) ainsi qu’aux frais de procédure, qui s’élèvent à neuf francs trente cinq.
Antoien Bazignan est donc reconnu innocent, mais il accepte mal d’avoir été soupçonné.
Le 27 juin, il demande réparation devant la justice. Il reproche au Dr. Champmas d’avoir porté de graves accusations, d’avoir malgré l’autopsie, continué d’affirmer l’empoisonnement. Il reproche au Dr. Champmas de ne pas avoir pu desceller la vrai cause du décès de Colin. En plus, il accuse Champmas d’avoir colporté et soutenu la thèse de empoisonnement, afin de provoquer la fermeture da la pharmacie pour pouvoir délivrer lui-même des médicaments comme médecin-pharmacien.
Il reclame 6 000 Francs de dommages et intérêts, vu le préjudice causé dans un petit village tel que Francescas.
La tentative de conciliation du juge de paix ayant échoué, les parties sont renvoyées devant les tribunaux.
Audience le 28 novembre 1862. Les parties sont représentées par leurs avoués respectifs. Maître Bonneuil et Maître Martel. Les faits sont évoqués, les comptes rendus d’expertises concluant à la mort par méningite tuberculeuse de Valmont Colin, ainsi que l’absence de falsification.
Maître Brettes, l’avocat de Bazignan, réclame 6 000 Francs de dommages et intérêts, ainsi que l’affichage du jugement dans tout le canton. La défense déclare, que Dr. Champmas a agi de bonne foi et sans désir de nuire.
Les juges faisant preuves de prudence, récusent l’intention de nuire, mais reprochent à Dr. Champmas d’avoir fait preuve de légèreté dans ses accusation.
Le 1er Juillet 1863, La Cour Impérial d’Agen confirme le jugement du tribunal de Nérac sans aucune publicité. Dr. Champmas est condamné aux dépens de première instance et appel.
L’affaire Bazignan est définitivement close. Certes, il est déclaré innocent. Mais calomniez, calomniez, il en reste toujours quelques chose. La négligence est reconnue, la mauvaise tenue de l’officine, les infractions citées, n’améliorent pas une réputation.
Cette affaire survenant après l’obligation de démission du poste de maire, nous imaginons qu’elle devait être la rancœur, la déception et l’amertume d’Antoine Bazignan.