Les malfaiteurs étaient déterminés
Braquée et violentée avec sa mère par quatre hommes cagoulés, la première adjointe de Francescas, Paulette Laborde, tente de faire face avec cran après cette terrible agression.
Le portable n'arrête pas de sonner dans sa cuisine de ferme où dorment ses chats. Messages de sympathie des amis, des collègues du conseil municipal, des villageois : « On est sur les nerfs, mais on va s'en sortir », promet Paulette Laborde après la terrifiante agression dont elle a été victime, mercredi matin, avec sa mère Louise, 75 ans, dans leur propriété à l'écart du village de Francescas.
Elle garde comme stigmates de la violence dont elle a fait les frais, des points de suture sur ses lèvres tuméfiées et une ecchymose sur une pommette.
Du haut de ses 1,84 m, cette ancienne joueuse de basket qui préférerait de loin que son club «chouchou» fasse les gros titres plutôt qu'elle, propose du café. Elle s'enquiert de la santé d'une dame, évoque déjà au téléphone de futurs rendez-vous : « Bien sûr, je serai là ». On sent bien qu'elle veut s'occuper l'esprit, conjurer le sort, donner le change, mais l'émotion se devine, la peur rétrospective aussi : « J'ai cru qu'on allait y passer ». Hyperactive, à la fois mandataire d'une compagnie d'assurances, exploitante agricole, qui court les marchés et qui s'implique activement dans la vie de sa commune, elle n'est pas femme à se laisser aller. Combative, elle lâche avec cran : « Pour le moment ça va, de toute façon ça changera rien ». Mais en aparté, elle confie être sous tranquillisants : « C'est surtout ce matin qui a été dur, j'avais l'appréhension d'ouvrir les portes. J'ai attendu qu'il fasse vraiment jour. Nous nous étions barricadées et une personne est restée dormir ».
Sa mère a été secouée, mais de manière différente, rectifie t-elle : « nous n'avons pas vécu la même chose ». Elle revient sur l'irruption des braqueurs cagoulés qui la surprennent alors qu'ils sont tapis dans un recoin à l'extérieur. Ils l'attendaient, connaissant ses habitudes. A cette heure-ci, elle sort soigner poules et paons qui s'ébrouent dans le jardin : « Ils n'ont pas tapé à la porte, ni cherché à la forcer. Juste les chiens aboyaient plus que d'habitude ».
ils étaient déterminés
Mais le vieux berger des Pyrénées n'a pas défendu sa maîtresse. Poussée à l'intérieur de la maison, cette dernière pense vivre une mauvaise blague. « J'ai cherché à soulever le masque à l'effigie d'un diable d'un malfaiteur qui m'a envoyé un coup de poing ». Un second lui sera décoché lorsqu'elle cherche à se relever dans le couloir. Ses cris extirpent de son sommeil sa mère. Le cauchemar ne fait que commencer « pas loin de 40 minutes » dit-elle, en plusieurs étapes. «Déterminés en paroles, ils nous ont braquées avec leurs pistolets, surtout ma mère, précise Paulette qui joint le geste à la parole. Elle a été ligotée et moi emmenée à l'étage ». Violentée, secouée et sommée de s'exécuter au plus vite, l'arme collée sur la tempe, avant d'être entravée et baillonnée par les auteurs qui pensent à les enlever pour couvrir leur fuite. Le téléphone est coupé.
Les victimes ont le sentiment que les braqueurs savent ce qu'ils viennent chercher. « Leurs exigences étaient précises ». Les malfaiteurs ont pris le contenu d'une caisse et ses économies, 2 500 euros au total : « Je leur ai donné de suite. Je ne suis pas téméraire. Je n'ai pas cherché à gagner du temps sur la combinaison du coffre. Je ne vais pas me faire tuer pour une plaie d'argent. Mais ils étaient pressés, c'était le moment de partir. Nerveux, ils regardaient tout le temps par la fenêtre. C'est là qu'ils ont menacé de couper le doigt à maman pour que j'accélère ». Elle sait, au fond d'elle, qu'un travail psychologique va être à faire : « Le plus dur sera de sortir de la maison et de rentrer le soir. Mais, bon, à chaque jour suffit sa peine, on ne va pas se tracasser ». C.St-.P.
12 ans de réclusion pour le chef, de 4 à 6 pour les trois autres
Des excuses, ce serait trop facile. Il l'a déjà fait savoir. « Si ma peine peut rapporter à ces personnes ce que je leur ai pris, et de la tranquillité, je la souhaite », risque Kamel Ghaouti. Hier après-midi, au procès de la bande qui a agressé Paulette Laborde et sa mère Louise à leur domicile de Francescas, il est le dernier à prendre la parole. La cour d'assises de Lot-et-Garonne l'a condamné à 12 ans de réclusion criminelle, lui le meneur de la folle équipée en quête de coffre-fort, le matin du 2 janvier 2008. Lui emboîtent le pas en prison Hassan Mahfoud et Abdelhatif Ghaouti, dit Taoufik, cadet de Kamel, tous deux condamnés à 6 ans ; et enfin Nejiar Hamid, condamné à 4 ans.
Il a fallu près de six heures aux jurés pour délibérer. A l'énoncé du verdict, à 20 h 40, Kamel Ghaouti a comme acquiescé. Sa mère s'est trouvée mal, s'effondrant en sanglots dans l'entrée de la salle d'audience. Contre l'aîné des Ghaouti, Marie-Hélène Heyte, l'avocat général, avait requis 15 ans et suggéré 13 ans aux jurés, mais pas moins, au cas où ceux-ci écarteraient la peine plancher. « Une décision d'apaisement, mesurée », a salué Me Apollinaire Legros-Gimbert, son conseil.
Ce Nejiar Hamid, 24 ans, si effacé, « comment a-t-il pu se retrouver dans la galère ? », s'interroge son propre avocat, Me Jean-Louis Pujol, premier à ouvrir le bal des plaidoiries au cinquième jour du procès. Pas même un second rôle, poursuit-il, « un figurant » qui n'aura fait que retenir Louise, 75 ans, sur le palier de l'escalier. Taoufik Ghaouti, 23 ans, ne serait que le frère « asservi » à Kamel, décrit Me Nicolas Chambaret, pour mieux réclamer aux jurés une « peine individualisée » : « Vous lui accorderez cette individualité qui lui a tant fait défaut. »
Vient Me Jean-Claude Disses. Hassan Mahfoud, le Néracais, « il pourrait être mon fils », commence-t-il. Il n'en serait pas moins « à l'origine du plan », compétence que lui prêtait la veille l'avocat général, réclamant « 9 à 10 ans » dans ses réquisitions. Me Disses remonte l'historique de l'expédition, en vient à « cette Nadia », si proche des Laborde, première à les avoir trahies en allant dire à qui voulait l'entendre que les deux dames étaient « blindées ». Mise en examen, la jeune femme a bénéficié d'un non-lieu. « On peut lui reprocher d'être une grande bavarde devant l'Éternel », considère l'avocat, tout à sa démonstration.
Le rôle de MahfoudAprès tout, Hassan Mahfoud, 24 ans, n'en aurait-il pas fait autant auprès de Kamel Ghaouti, croisé pour la première fois quelques jours avant l'expédition, fantasmant en si bonne compagnie sur un coffre-fort bourré de billets en rase campagne ? « Un bavardage inutile, déplacé, pas beau, tout ce que vous voulez… Hassan parle, de la même manière qu'on peut reprocher à Nadia d'avoir été trop bavarde », s'efforce de relativiser son conseil.
Me Apollinaire Legros-Gimbert connaît bien son client, Kamel Ghaouti. « Depuis longtemps », présente-t-il aux jurés, ce qui n'est pas bon signe. L'avocat toulousain se tourne : « Qu'est-ce qu'on va faire de toi, Kamel ? » Il reste à sauver ce qui peut l'être de l'expédition du 2 janvier 2008.
« Est-ce qu'il est fini ? »
Au-delà d'un « certain amateurisme », relève-t-il, il y a bien ce moment où Kamel Ghaouti délivre Paulette Laborde des toilettes. Me Legros-Gimbert y voit un ultime « sursaut éthique », après voir porté un coup au visage de Paulette Laborde, pressé l'édredon sur sa tête et menacé sa mère Louise de lui couper l'index. « Est-ce qu'il est fini, perdu ? Est-ce qu'on lui tend la main ?»
Assise au premier rang depuis lundi, plus que digne, « pudique », comme dit l'avocat général, Paulette Laborde s'en retourne à la ferme, dont elle a appris à boucler portes et volets le soir venu. Soulagée, confie-t-elle, non pas parce qu'elle a mis un visage sur ses agresseurs, mais parce qu'elle n'aura plus « à attendre le procès ».